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Aurélie Peirera

Vigneronne - Présidente du syndicat du cru Maury

Lieu d’activité : Maury

Thématique : Viticulture

Je suis originaire de Maury, j’ai baigné dans cet univers viticole, mes grands-parents étaient vignerons, mes parents restaurateurs, petite je faisais les vendanges... Plus jeune je ne m’étais pas projetée vigneronne, mais au fil de mon parcours et guidée par l’envie de comprendre comment passer d’une récolte de raisin au vin, j’ai orienté mes études vers le travail de la vinification.

Je suis vigneronne, viticultrice sur le territoire de Maury, c’est ma dix-septième vendange cette année. J’ai 15 hectares de vigne que j’exploite seule ; sur les étapes clés, comme les vendanges, je m’associe avec mon frère, qui lui aussi est viticulteur.

Je suis attachée à mon territoire, c’est comme quand on aime quelqu’un, c’est difficile de dire pourquoi… (rires).

Ce côté austère, un peu oublié, loin de tout, et avec une identité forte… Défendre cette identité au travers de cette activité viticole est moteur pour moi. Nous apportons notre petite pierre pour poursuivre une histoire…
Le vin, c’est des gens avant nous, la transmission d’un patrimoine… celui du vin doux naturel. L’appellation Maury et celle de Banyuls sont des vins particuliers, ils ont connu des heures de gloire, reconnus pour leur particularisme ; lors de la crise viticole on appelait les gens de Maury « les Américains », ils ont été épargnés par la crise, un peu privilégiés.

J’ai travaillé en cave particulière de nombreuses années et en 2002 j’ai rejoins la cave coopérative de Maury.
Depuis 2015, je suis Présidente du Syndicat du Cru Maury, organisme qui défend l’appellation et l’identité Maury ; cela représente 3 caves coopératives, quelques gros domaines, et 30 à 35 petites et très petites structures. C’est un syndicat dont la création remonte autour de 1936. C’est une toute petite appellation, qui se déploie sur un territoire de 4 communes. Cette appellation, c’est la reconnaissance d’un sol, d’un climat et du travail des hommes. On a réussi à garder notre identité, à garder une petite structure coopérative, à notre échelle. Cela n’a pas été toujours évident de trouver l’équilibre, le rendement n’est pas toujours au rendez-vous, mais cette petite identité est aussi une force. En terme économique c’est l’activité première de la commune, ici il n’y a plus d’industrie.

La vallée fait la jonction entre Quillan et la plaine, ici on est tourné vers Perpignan alors que la distance est la même avec Quillan. Vers Caudiès on bascule dans un autre univers, la climatologie marque aussi des frontières invisibles. Le lien avec l’Aude est important pour nous, car nous avons la chance d’être à la croisée des chemins, sur un endroit où un tourisme de qualité vient à nous, grâce au patrimoine naturel, aux châteaux du Pays Cathare, à l’histoire d’un pays. Les gens ne viennent pas ici par hasard, ils cherchent des lieux protégés du tourisme de masse présent sur la Côte et ont plaisir à découvrir des produits et des paysages authentiques.

Le vignoble me touche particulièrement comme paysage, il bâtit notre environnement. Ces deux barrières de calcaire, ce terroir ancré sur une terre de schistes, délimitent et bâtissent notre vallée du Fenouillèdes.
Le grenache est un cépage particulier, il n’est pas palissé, il sculpte le paysage d’une manière singulière. Ici grâce à la tramontane, nous avons la chance d’être protégé de certaines maladies. Les paysages sont à l’image de notre identité ; ces montagnes nous ressemblent, à la fois austères, sécurisantes, bienveillantes. Nous sommes, à la fois, enfermés et protégés. Tous les jours, je suis dehors, je ne me lasse jamais des paysages, je m’émerveille tous les jours de la lumière du matin, des ciels orageux… J’y suis sensible.

Je ne suis pas choquée de l’implantation d’éoliennes, même si à Prugnanes on peut regretter le saccage d’un endroit vierge sur un grand périmètre, ainsi que la quantité de béton que l’on a vu passer, puis couler dans les sols.

Dans le cadre de la projection de la création d’un Parc, on a toujours un peu peur d’être vus comme les méchants pollueurs. Pour moi, ce qui serait intelligent ce serait de chercher à développer au mieux la protection de l’environnement et l’activité économique, en ne les opposant pas systématiquement.

Il nous faut trouver des solutions culturales simples sur un territoire où les dénivelés sont importants et le parcellaire très morcelé. De plus les réglementations sont parfois déroutantes et contradictoires.

La création d’un PNR peut faire peur aux vignerons, la peur que cela engendre des règles du jeu et des mesures qui nous demandent sans cesse de modifier notre façon de travailler. Si ces règles deviennent plus claires et en cohérence avec notre activité, cela facilitera l’implication des vignerons dans le travail de préservation de l’environnement. Peut-être le Parc pourra-t-il accompagner les vignerons dans ce sens…

Je suis confiante en l’avenir, le territoire de Maury est tout de même vivant… On a beaucoup de points forts, d’atouts mais on n’a jamais été fichu de s’appuyer sur ces forces… peut-être en a-t-on trop ! (rires).

À court terme, il faut déjà préserver ce qui existe encore, sauvegarder les services publics, les commerces de proximité, il faut que la vie de village perdure. Les nouveaux arrivants ne sont pas toujours mêlés à l’histoire du pays, on perd de la cohésion, il faut que ces arrivées soient moteur de vie pour le village, que les habitants se sentent porteurs d’une dynamique commune.

Un travail de jonction et de rencontre entre les différents territoires du PNR sera nécessaire. Pourquoi ne pas créer des événements qui nous relient, où l’on se rencontre sur les différents territoires, de manière festive, animée, thématique… Cela participera à trouver notre identité commune.

Si on est capable de s’adapter en préservant nos identités de territoire… on avancera.
J’attends du PNR qu’il soit un outil qui rende notre territoire encore plus vivant ! Préserver notre patrimoine, notre environnement, notre histoire, sera une force.